Le Conseil de Famille

Pour quelles raisons une famille peut-elle vouloir mettre en place un Conseil de famille ?

Pourquoi un Conseil de famille ?

  • le besoin de dire : un membre (on peut en imaginer plusieurs dans cette situation) éprouve le besoin de dire aux autres, ce qu’il a bien vécu et ce qu’il a mal vécu, du déroulé de certains évènements ou enjeux. Ceux-ci devront être convenus pour tous et devront concerner la vie de la famille.
  • un bien pour lui et pour les autres : il a la certitude, que son besoin de dire aux autres, est un bien pour lui. Parce qu’il a la conviction, que ce que les autres entendront de sa bouche, sera aussi un bien pour eux. Parce qu’il est convaincu, que sa proposition faite aux autres, de parler à leur tour, comme lui l’a fait, sera également un bien pour eux et à nouveau pour ceux qui les écouteront.

Une bonne idée ?

A-t-on pour autant raison de vouloir un Conseil de famille ?

Pour répondre à cette question il faut venir en parler à un professionnel de la santé mentale. En effet, c’est en examinant la singularité de chaque famille, que l’on peut anticiper “les risques des bonnes intentions”. Où celles-ci risquent-elles d’aboutir ? Risquent-elles d’être détournées de leurs objectifs ?

Y a-t-il des conditions à respecter ?

Doit-elle respecter des conditions fondamentales pour l’organiser ?

Dans tous les cas, il faut respecter 3 règles. Cela permet de préparer et de réfléchir à ce que l’on va évoquer dans ce Conseil de famille. Ces trois règles doivent être connues de chacun des membres avant leurs participations. Elles doivent être reformulées dès le début de son temps.

On n’intervient pas

On n’intervient pas, on ne se défend pas.  Par conséquent, on ne coupe pas la parole de celui qui fait l’effort d’exprimer ce qu’il ressent devant tous. C’est bien un effort pour chacun. Ici l’enjeu n’est pas celui du respect de la politesse. Plus profondément, c’est l’enjeu du respect de la manière dont celui qui s’exprime vit les choses évoquées. Y compris si l’on sait qu’il se ment à lui-même. Y compris s’il exprime des éléments objectivement faux ou sus comme tels par les autres membres. C’est peut-être là que réside la plus grosse difficulté à vivre, de cette expérience du Conseil de famille.

Nous avons tous tendance à penser et à affirmer, que se disposer à écouter l’autre n’est pas difficile. À l’endroit du Conseil de famille, on peut mesurer l’ampleur de la naïveté de notre analyse. En effet, écouter n’est pas une capacité naturelle. Il s’agit d’accueillir, de faire place, au monde que l’autre promène dans sa tête et qui n’est pas celui que nous promenons dans la nôtre…

L’enjeu du Conseil de Famille

Pourquoi s’imposer cet accueil, au risque qu’il soit parfois douloureux ? A cet endroit il faut bien comprendre l’enjeu du Conseil de famille. Celui-ci est à la fois la demande de se sentir mieux en partageant ce que l’on vit, bien ou mal, mais aussi de pouvoir améliorer notre compréhension du comportement des autres,  en entendant la narration de ce qu’ils estiment vivre. Le but étant d’y ajuster bien mieux nos actions, nos intentions, lorsqu’on nous nous retrouverons, plus tard, à nouveau ensemble.  Impossible d’y parvenir, si l’on refuse d’entendre les mensonges avec lesquels chacun peut vivre dans sa tête, tant qu’il n’est pas prêts à voir autrement. Ici, n’oublions pas que chaque “il” est un “je” aussi….

Le partage des vécus

Par ailleurs, on se méprend souvent au sujet de la notion du “partage” des vécus, que l’on attend d’un Conseil de famille. Si l’on accepte de dire, littéralement de préciser sa propre perception de choses devant les autres, on se rend compte que les vécus entendus sont rarement communs. Ce qui est partagé, ou commun, ce sont uniquement les thèmes sur lesquels tous nous avons consenti à nous exprimer. En revanche, il faut se préparer à entendre des impressions, des craintes et des certitudes, différentes, qui, au sens strict, constituent le monde subjectif de chacun. Prenons en effet conscience, qu’un Conseil de famille donne à chacun la chance de percevoir que les certitudes et les craintes de l’autre sont celles avec lesquelles il se lève  tous les matins, ce avec quoi il vit dans sa tête quand il quitte les membres de sa famille et quand il va les rejoindre.

On ne démêle pas le vrai du faux

Par conséquent, il ne peut pas être attendu d’un Conseil de famille de défaire le vrai du faux, pas davantage de décider ensemble ce qui sera reconnu comme vrai ou faux dans ce qui aura été dit. Il est impossible de confondre un Conseil de famille et un tribunal. Le Conseil de famille ne doit jamais donner lieu à une recherche du vrai et du faux, ni à la recherche d’un accord de la majorité des membres quant à ce qui doit être retenu des vécus entendus. Pourquoi ?

Redisons-le autrement : on nie littéralement l’existence de l’autre quand on refuse la teneur de son vécu, fût-il un vécu reconstruit par déni ou malhonnêteté.  Ce que l’autre vous dit, c’est ce avec quoi il veut être vu par les autres de sa famille et ce à travers quoi, chaque jour, il se regarde lui-même. Si on se ment à soi-même et si on ment aux autres, il reste que c’est à travers ces mensonges que l’on vit chaque jour et c’est en commençant par accepter de faire avec, que les autres peuvent entrer en lien avec nous ; si ils souhaitent retrouver un début de lien avec nous.

Ce qui implique qu’il faut avoir la double force d’exprimer soi-même et d’entendre de l’autre, des certitudes subjectives plus ou moins dérangeantes.

On se quitte sur ce qui a été dit

On se quitte chacun de son côté sur ce que les uns et les autres ont livré de leurs regards personnels concernant les évènements sur lesquels on a tous pu s’exprimer. On repart chacun sur d’autres activités individuelles : un temps dans sa chambre, son bureau, ses courses à l’extérieur…On n’envisage donc pas à un autre temps consécutif en famille, y compris si il aurait pu être imagine de manière festive (un restaurant, un jeu, etc.). Un autre temps, juste après, serait nécessairement très different et de ce fait, exposerait chacun aux refoulements involontaires de ce qui a été entendu.

On n’aborde pas en petits comités ce qui a été dit en famille

Ce qui a été déposé devant tous, ne doit être réabordé, ni en “petits comités”, ni en binôme.   Ce qui est adressé au “groupe-famille”, si il doit être repris, doit l’être exclusivement, à nouveau, devant le “groupe-famille”. Dans le cas contraire, inévitablement, certains auront le sentiment d’avoir été “volés” dans leur espoir d’avoir un famille. Privilégier le terrain des affinités de quelques-uns pour réaborder  ce qui a été livré à tous, met immédiatement un terme à toute possibilité de faire confiance à “cette famille”. On détruit tout espoir de voir sa famille capable d’accueillir collectivement ce qui a été dit par l’un devant les autres.

Ne l’oublions pas : le moment du Conseil de famille est parfois la seule chance pour une famille de parvenir à en être une.

Conclusion

  • On n’évoque donc pas tous les sujets que l’on voudrait, mais bien ceux convenus ensemble bien avant le jour et l’heure du Conseil de famille. Grâce à cette limite, le Conseil de famille ne sera pas synonyme de piège pour forcer certains à entendre ce qu’ils refusent…
  • On ne discute pas le vécu de l’autre pas plus qu’on ne le conseille, ni ne lui donne un avis.
  • On repart en constatant en nous-mêmes la surprise de ce que l’on a entendu,  et on  réfléchi à ce que l’on va maintenant vivre, avec ces autres, que l’on a en partie découvert et de ce fait, peut-être, bien mieux compris…
  • Si l’émotion est durablement forte après un Conseil de famille, n’hésitez pas à prendre ponctuellement un rendez-vous chez un psy. Sa formation lui donne les moyens de vous accompagner pour mieux comprendre et digérer individuellement les effets sur vous, de ce moment où l’on rencontre les membres de “sa famille” plus authentiquement qu’au quotidien