L’agentivité et la conscience de l’auto-efficacité

L’agentivité et la conscience de l’auto-efficacité

L’agentivité est la fluctuation, les hauts et les bas, du sentiment d’auto-efficacité, point de vue d’Albert Bandura.

Dans un article de cet été (cliquer ici) a été évoquée la possibilité que nous ayons besoin d’un sentiment d’auto-efficacité. Le besoin de percevoir que nos actes ne tombent pas dans le vide. Le besoin d’un sentiment d’efficacité personnelle sur les autres et les événements de notre vie. Et nous avons peut-être perdu la conscience de ce besoin.

Mais le mot « agentivité » n’a pas complètement été élucidé. Qu’apporte de plus ce mot, au besoin d’auto-efficacité ?

Réussir ses actes

En quoi est-il important de considérer ses variations ? Parce que ces variations n’arrivent pas toutes seules et le sentiment d’auto-efficacité ne tient pas tout seul. Il faut le faire tenir. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que notre capacité à réussir ce qu’il faut faire n’est pas une donnée naturelle. Nous pouvons avoir naturellement besoin de nous sentir efficaces dans nos vies, mais la capacité à réussir n’est pas donnée naturellement. Il y a un écart entre ce besoin et la capacité à réussir les actes entrepris. De là viennent peut-être les éternels problèmes de manque de confiance en soi.

De l’auto persuasion ?

Pour l’instant, essayons déjà de savoir comment développer notre capacité à réussir dans nos vies. Les actes qu’il faut faire et que l’on tente de faire ? Comment s’assurer d’un sentiment d’efficacité personnelle ? S’agirait-il d’entretenir une certaine image de soi au sens de l’imagination ? S’agirait-il de se convaincre soi-même d’être efficace dans sa vie ? L’auto-efficacité serait-elle une forme d’auto-persuasion : un beau mensonge à soi-même avec un effet placébo ?
Albert Bandura a consacré son parcours de chercheur et de professionnel de santé, à comprendre ce besoin cérébral d’auto-efficacité.

Il a posé clairement le résultat de ses recherches. Un sentiment d’efficacité personnelle ne peut avoir lieu que si l’on en fait l’expérience directe. Ce Canadien professionnel de la santé mentale n’a pas eu peur d’utiliser le lexique qui en France est critiqué, à savoir le mot de « maîtrise », mais il le définit précisément.

Nous avons un besoin naturel de maîtrise. Il ne peut être satisfait que par un sentiment de maîtrise qui, lui, passe par nos actes réels. Pas question ici d’une maîtrise des événements au sens familier du terme, c’est-à-dire au sens où nous tiendrions entre nos mains les événements de nos vies. Il est question d’une maîtrise au sens de son étymologie grecque. Celle où nous pourrions percevoir que nous réussissons à impacter, à agir sur, à influencer, les événements de nos vies, grâce aux actes que nous effectuons pour ce faire.

Modifier par nos actes

Comment percevons-nous que nous avons modifié les évènements par nos actes et que donc, quelque part, finalement, nos actes correspondaient à ceux qu’il fallait faire ? Toujours par le même processus :

1– Nous commençons par prendre en compte avec une certaine lucidité l’existence d’obstacles

2– nous décidons de la persistance de nos efforts et de l’orientation que nous donnons à cette persistance

enfin 3– nous avons conscience des modifications réelles que nos actes agissant sur l’obstacle, ont fait advenir. Malgré le ou les obstacles réels, de nouvelles données, « des choses », sont advenues en lien avec ce qui était initialement visé.

L’efficacité personnelle

Évidemment, on a déjà en tête les situations où les modifications advenues du réel, nous ont littéralement surpris. Elles ne ressemblaient en rien avec ce que nous attendions.

On a encore bien plus à l’esprit les situations dont nous dirions que rien n’est advenu, voire pire, tous ces exemples où nos efforts persistants ont généré le contraire de ce qu’il fallait, autrement dit ce que nous nommons l’échec.

Ces situations évoquent un besoin d’efficacité dont l’élan est meurtri, un sentiment d’efficacité personnelle qui douloureusement deviendra caduc. Inutile alors de se raconter le réel autrement. Il est inutile de se mentir à soi-même, ni même d’espérer un précieux déni, puisque ce sentiment d’efficacité, pour exister, réclame l’observation de l’issue de nos actes.

On ne peut pas ressentir le sentiment d’efficacité personnelle en essayant d’en fabriquer le mirage mental jusqu’à en espérer la croyance. C’est à cet endroit-là que BANDURA nous propose de comprendre ce qu’est l’Agentivité : le sentiment d’efficacité personnelle qui peut croître, tout aussi bien que décroître, jusqu’à disparaitre (une des causes des malaises chez les adolescents, une certaine notion de la dépression chez les adultes et la cause de certaines tentatives de suicide).

Partir de l’échec

Beaucoup d’ouvrages nous proposent de commencer par ressentir comme réel ce que nous voulons obtenir un jour dans le futur. Peut-être cela fonctionne-t-il ? Mais n’oublions pas qu’il faut certainement pour cela un degré d’inquiétude assez faible.

Bandura nous propose de prendre le point de départ inverse, celui qui nous permet de partir des mauvaises conditions psychiques (insécurités) pour se relever. Comment depuis le réel, comprendre ce qui fera advenir le sentiment d’efficacité personnelle, afin d’aller en chercher les pierres de construction, puis de l’entretenir ?

Il met à jour quatre pierres : l’histoire personnelle (la chance d’avoir vécu jeune et mémorisé jeune notre propre efficacité venue nous surprendre dans nos tentatives presque irréfléchies), les expériences vicariantes (avoir été témoins de personnes qui tels des modèles ont effectué devant nous les comportements à acquérir), les retours verbaux des autres (qui sont les éléments sur lesquels nous pouvons le moins compter, car trop aléatoires), la dissociation émotionnelle à réaliser absolument (se rendre compte que l’on prête nous-mêmes à nos peurs, à nos moments de trac, à nos anxiétés diverses, un pouvoir d’annoncer une prédisposition à l’échec alors qu’effectuer l’acte en leur compagnie ne prédispose en rien psychologiquement à l’échec).

Peut-être n’avons-nous que trop peu dans notre vie la première, nous pouvons chercher autour de nous la seconde. Peut-être la troisième fait-elle bien trop défaut, nous pouvons assurément entreprendre la quatrième. Ce qui est sûr c’est que ces quatre pierres de touche sont à l’origine des baisses, du maintien ou de l’augmentation de notre sentiment d’efficacité personnelle. C’est grâce à elles, ou à cause d’elles (tout dépend du réel que nous choisissons de sélectionner) que la réalité, va, dans notre esprit, notre cerveau, fabriquer une croyance ressentie. C’est à cet endroit-là que le réel et la croyance et le futur de notre efficacité se rencontrent.

Les commentaires sont clos.