Les jeunes peuvent-ils croire en l’avenir ?

Pour un jeune, croire en l’avenir c’est réussir sa vie individuellement. Les jeunes peuvent-ils encore entretenir cette croyance-là ?

Quand on pose cette question, cela suppose que l’on comprenne la nécessité pour l’homme de croire. Cela suppose surtout que l’on comprenne ce que peut signifier l’avenir pour un jeune de vingt ans.

La croyance, c’est adhérer à une idée en l’absence de connaissance véritable quant à cette idée. Ce n’est donc pas une erreur, car l’erreur est une affirmation fausse, non conforme à la logique. La croyance est peut-être une affirmation facile, mais elle est surtout apaisante. Elle est construite pour échapper au critère logique, échapper à la démonstration de sa vérité ou de sa fausseté. Elle apaise l’homme qui y croit. Affronter la réalité telle qu’elle est, sans l’imaginer telle que nous la désirons. L’homme en est-il capable ? Sans doute que non !

Croire pour se réaliser

Croire, c’est souvent croire en quelque chose qui est porteur, fécond, qui s’approche de ce que nous désirons comme un mieux, un bien. On voit la nécessité pour l’Homme de croire en quelque chose de mieux que la réalité, quand on voit ce qui reste de cette nécessité chez nous adultes.

Il suffit pour cela de chercher le sens que les adultes mettent sous l’expression « croire en l’avenir ». Bien souvent pour eux, il est question de s’apaiser en imaginant satisfait leur désir de sortir de tous les problèmes connus. Ainsi croire en l’avenir aujourd’hui, c’est croire que la génération future fera mieux, qu’elle coupera la chaine de ce qui va mal. Et si ce n’est la génération future, ce seront les épaules de l’État-Providence qui porteront les solutions à nos mauvais choix. Elles devraient régler tout, malgré nous. Mais pour les jeunes, croire en l’avenir signifie une valeur bien différente.

Réussir sa vie

Pour un jeune, croire en l’avenir est synonyme de réussir sa vie. Rien de moins. Car ils ne peuvent pas croire en quelqu’un d’autre qu’eux puisqu’il n’y a pas d’autres adultes qu’eux à venir, ils sont les autres adultes à venir.

Ils ne peuvent pas davantage penser que croire en l’avenir c’est croire que tout se règlera malgré eux par un État-Providence, puisque la demande d’être pris en charge, qui sous-tend la notion d’État-Providence implique l’on se sente démuni, impuissant, après avoir échoué dans ses propres tentatives. Or, les jeunes ne peuvent pas désirer être pris en charge tant qu’ils n’ont pas échoué dans leur désir d’une vie réussie.

Alors, si pour eux croire en l’avenir c’est réussir leur vie individuellement, peuvent-ils encore entretenir, soutenir, faire vivre cette croyance-là ? Peut-on se représenter son avenir, peut-on vouloir être heureux, imaginer faire ce que l’on décide de faire, quand l’Histoire nous bouscule ?

Peuvent-ils espérer vivre leur vie quand la contagion d’un virus met en difficulté les entreprises, l’économie, les rencontres, les stages, les apprentissages, la durée des liens et même la résistance naturelle de la jeunesse du corps ?

Renoncer à ses désirs ?

Oui, si l’on se rappelle ce qui est à la racine de la croyance et ce qui est à la racine de la vie réussie : le désir ! Si réussir sa vie c’est vivre sa vie, si réussir sa vie c’est être un adulte qui a réalisé son rêve d’enfant, s’il ne s’agit pas de satisfaire des caprices mais bien de faire ce que l’on avait décidé de faire (sans décider des voies qui nous attendent pour cela), alors maintenir cette croyance est possible à la condition de ne jamais renoncer à son désir.

Dès lors, comment faire pour ne pas renoncer à ses désirs fondamentaux ? Savoir déjà ce qu’ils sont. S’ils sont à la base de la personne singulière que nous sommes, il faut les distinguer des envies passagères (le choix d’un secteur professionnel n’est pas identique au souhait de l’argent facile), et des envies inoculées par les autres (perpétuer tout au long de sa vie des fêtes amicales ne satisfera certainement pas le désir de créer sa propre famille-ressource). Il faut ensuite s’y installer comme en soi, afin de les renforcer face aux craintes par lesquelles l’Histoire nous bouscule.

Depuis le début du second confinement, beaucoup de jeunes de plus de dix-huit ans ont consulté un psy, après avoir saisi intuitivement qu’ils étaient envahis par des craintes qui n’étaient pas les leurs et que, face à elles, il leur fallait trouver en eux ce qu’il leur était essentiel de réaliser dans leur vie.

Remarques

  1. Croire en Dieu ne permet ni de démontrer ni de réfuter qu’il est ou bienveillant, ou guerrier, ou, en toute logique, sans attente, de par sa perfection
  2. Ouvrage : « Il est important de saisir nos désirs fondamentaux afin que ce soit eux qui fassent naitre nos idées, la pertinence de nos futures démarches. » Marc Aurèle, empereur romain et philosophe stoïcien Pensées pour moi-même