Quelle « vie » nous attend si la pandémie dure ?
Confinement, quelles conséquences ? Frustration solitude burn-out

Quelle « vie » nous attend si la pandémie dure ?

Qu’il y ait pandémie ou pas, qu’elle doive durer ou pas, le « confinement » entraine inévitablement frustration, solitude et risque de burn-out.

Le confinement nous a mis devant nos difficultés à vivre une promiscuité familiale inactive sans but hormis être là ensemble, ce qui, contre toute logique de l’idéal familial, n’a pas été confortable à découvrir. Le couvre-feu pressenti nous met actuellement face à notre capacité d’adaptation, ou au contraire face à nos refus impulsifs de vivre les interdictions. Réalisons toutefois que la pandémie imaginée comme pouvant être durable nous ferait vivre encore autre chose.

Frustration

Aujourd’hui, nous avons les yeux rivés sur les limites à supporter. Mais si l’on imagine une pandémie durable, c’est une vie étroite qu’il nous faudra vivre ; ce qui est différent. Une vie étroite est autre chose qu’une vie seulement frustrée et frustrante. Il ne s’agirait plus uniquement d’être privé de nos objets de désir immédiats (sports, loisirs, amis, voyages, sorties, libertés individuelles d’action, etc.). Il s’agirait essentiellement de ne plus pouvoir choisir une évolution individuelle possible et ici ce seront tous ceux et celles qui associent leur chemin de vie à la volonté qu’ils en ont, qui seront touchés.

Solitude

La volonté est bien plus que la simple liberté de choisir entre des possibles. Elle est cette pièce à double face, dont l’une correspond à la croyance de pouvoir décider de la personne que nous allons devenir et l’autre, correspondant à la croyance en nos capacités d’impacter, d’influencer, de modifier le réel, afin de parvenir à y réaliser cette personne.

Pour le comprendre concrètement, prenons deux illustrations de chemins de vie volontaires. Celui de la volonté d’un mode de vie acceptant le risque d’une pérennité, d’un long terme et celui de la volonté d’investir des efforts personnels, comme pilier principal d’une progression professionnelle à long terme. La volonté d’un mode de vie acceptant le risque du long terme, c’est par exemple le choix du célibat, celui de plus en plus répandu du divorce, celui de la famille monoparentale ; tous compris bien sûr comme étant tout autres que des choix par défaut.

Si la pandémie devait durer ?

Si la pandémie devait durer, ces choix faits parce qu’on les a envisagés, réfléchis comme féconds, porteurs d’un mieux, vont inopinément se retourner contre ceux qui les ont pourtant bien pensés. Contre toutes attentes, ils vont devenir des risques de régressions, car si l’on envisage volontairement le célibat, ce n’est pas pour être seul chez soi.

De même, si l’on choisit le divorce, c’est pour que ce désengagement marital rende possible une vie plus authentique avec ce que l’on est. Si la famille monoparentale n’est pas un choix par défaut, c’est qu’elle est pensée comme moyen de prendre librement des directions d’éducation favorables.

Or, ces perspectives bien construites dans la tête des individus concernés, ont besoin, et ils le savent, de choses à vivre dans le monde extérieur à la sphère intimiste du chez soi. Malheureusement, si la pandémie dure, on ne vit plus sa vie privée que dans l’espace restreint, appauvri, du chez soi domestique, qui retient ces personnes dans la réelle solitude.

Burn-out

Qu’est-ce que le burn-out ?

Idem pour la volonté qui se manifeste par le décision d’investir des efforts personnels comme principal pilier d’une progression professionnelle. Nous avons tous entendu quelque part cette expression du Burn Out. Ce que l’on véhicule à ce sujet est très souvent absolument faux. Le Burn Out est une difficulté spécifique qui met en danger la santé psychologique et cognitive d’un individu normal, mais cette difficulté n’est pas du tout causée par une surcharge quantitative des tâches au travail ou d’heures de travail.
On pourrait lui consacrer un article à part entière, mais au plus simple, on peut résumer la découverte du psychanalyste allemand H. J. Freudenberger (ouvrage : « L’épuisement professionnel, la brulure interne« , 1987) par le fait que les personnes dites concernées par le BO ont fait l’expérience totalement inhabituelle pour elles et totalement impensable auparavant, de l’inefficacité de leurs efforts au travail.

Qui touche-t-il ?

Le BO ne touche que les personnes volontaristes au travail, quelle que soit la réserve, la discrétion du caractère ou au contraire l’assurance dont elles témoignent, et quelles que soient leurs postes dans l’échelle sociale. Très loin, de toute façon, de l’idée du travail à subir, elles ont la particularité de s’engager volontairement dans leurs efforts, de les aimer, car elles leur font confiance comme autant d’actions efficaces, devant leur permettre d’avancer, de réussir l’objectif visé.

Le jour où ces efforts pour des raisons purement accidentelles, extérieures aux « volontaristes » (conjoncture économique, réorganisation d’une politique d’entreprise, etc.) deviennent impuissants, il y a en eux, ce que Freudenberger appelle la consommation interne de toute la motivation. C’est-à-dire qu’aucune valeur ne peut chez ces personnes remplacer l’effort cru jusqu’à présent perpétuellement efficace. Par conséquent, si la pandémie dure et que de plus en plus d’entreprises voient leur croissance, leurs diversifications, limitées(s), les salariés et les chefs d’entreprise qui ont la particularité de vouloir progresser uniquement grâce à leurs efforts (l’ancienneté et les opportunités étant pour eux très secondaires) vont être de plus en plus nombreux à expérimenter un sentiment d’impuissance, qu’aucune autre valeur en dehors de l’effort efficace ne pourra dépasser.

Et si la pandémie devait durer, que faire ?

Frustration, solitude, burn-out, que faire maintenant de cette mise en lumière de ces concrétisations de la volonté humaine (volonté de la responsabilité d’un mode de vie et volonté de l’effort dans une progression professionnelles) que la pandémie, si elle devait durer, viendrait abimer, ou détourner de leurs fécondités ? Dire avec bon sens : « Pourvu que la pandémie ne dure pas ! » ?

Oui, bien sûr ! Mais surtout, il faudrait nous arrêter dès à présent pour prendre conscience de l’importance pour un être humain que son chemin de vie puisse encore être volontaire. Pour cela, nous aurons peut-être besoin d’un tiers professionnel pour découvrir que nous avons une volonté recouverte par, ces multiples expériences de vie qui tendent à nous convaincre du contraire ; mais également nous devons réaliser que, pour préserver son efficacité à cette volonté, il faut, et c’est incontournable, l’utiliser ici et de suite pour lutter contre la pandémie. Et ce, quelle que soit l’action individuelle qui nous parlera pour le faire !

Voir aussi « Quel est le temps réel de la pandémie ?«